Darmanin et Macron ont choisi Mayotte, le « département » le plus pauvre (à 8 000 km de la métropole !) pour frapper les esprits en mettant en scène l’application de leur loi sur l’immigration.
Une armada de 400 gendarmes va y être envoyée en renfort à partir du 20 avril pour détruire à coups de bulldozer plus de 1 000 bangas (baraques des bidonvilles de l’île) où vivent 30 % de la population sans-papiers ou non, jetant à la rue au moins 5 000 personnes. Des « décasages » entrepris depuis plusieurs années par les préfets successifs avec l’aide de milices et qui ont fait déjà 8 000 sans-abris. En même temps, l’objectif affiché est d’expulser en dix jours 3 000 personnes, essentiellement comorienEs. Une vaste opération de chasse aux pauvres et aux sans-papiers — rien moins que des rafles et déportations (dont le colonialisme français est familier) ! Et c’est un encouragement aux menées pogromistes d’une partie de la population mahoraise dont la député LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) Estelle Youssoufa est la porte-parole à l’Assemblée nationale.
Mayotte ou le naufrage mortifère de la France coloniale
Se maintenir dans cette partie du monde — un verrou stratégique sur la route du Cap par laquelle passe le pétrole du Moyen-Orient vers l’Occident — est un enjeu crucial pour la France en plus de la jouissance d’une zone d’économie exclusive (ZEE) de 74 000 km2 dans l’océan Indien. Une manne qui justifie tous les coups tordus. Instrumentalisation des vieilles divisions entre les îles, référendum truqué de 1975 (qui, au profit de la France, a permis la séparation de Mayotte des autres îles des Comores), instabilité politique entretenue dans les Comores indépendantes (via ses mercenaires comme Bob Denart) : le colonialisme français n’a fait que semer misère et mort. Loin de ce que les Mahorais pouvaient espérer de la départementalisation en 2011. Comme l’a dit Mabadi Ahmedali, président du CDISCOM (Collectif de défense de l’intégrité de la souveraineté des Comores), « la France veut bien que Mayotte soit française mais pas que les Mahorais soient Français ».
L’île est ravagée par le désespoir et la misère : 80 % de la population en dessous du seuil de pauvreté ; une jeunesse sans avenir ; des services publics en berne, etc. Pour parfaire son œuvre mortifère, en 1995 l’État français a construit un mur artificiel entre Mayotte et le reste des Comores avec le visa Balladur qui a mis fin à la libre circulation ancestrale entre les îles et a fabriqué des milliers de sans-papiers et de sans-droits sur leur propre territoire. Un terrible bilan qui continue à s’alourdir : 30 000 morts noyés dans le détroit des Comores pour rejoindre Mayotte. Car, îlot de pauvreté dans un océan de misère, Mayotte est cependant 13 fois plus riche que l’ensemble des Comores où 42 % de la population vit dans une misère extrême.
Mayotte ou le laboratoire des mesures d’exception
Pour Darmanin, le problème de Mayotte ce sont l’immigration clandestine et la délinquance, et la solution c’est la répression. Une politique qui encourage une guerre des pauvres contre les pauvres pour cacher la responsabilité de la France coloniale. Une politique qui alimente un climat délétère favorable à l’extrême droite. Le Pen a obtenu 66 % des voix aux dernières présidentielles et est venue en personne soutenir les groupes xénophobes anti-ComorienEs qui ont bloqué pendant 6 mois l’accès au local de la Cimade sans réaction des autorités !
Une répression de longue date qui fait d’un « département français » un laboratoire des mesures d’exception que Darmanin rêve d’appliquer en métropole. Les atteintes aux droits humains sont légion à Mayotte. Ainsi, la loi Darmanin pourra s’appliquer sur ordonnance à Mayotte sans passer par le vote du Parlement. Profitant des « décasages » sans relogement, la préfecture refuse de renouveler les titres de séjour pour « défaut de domiciliation ». Toutes les maigres mesures de protection concernant le droit des étrangerEs et des demandeurEs d’asile sont foulées au pied : mesures expéditives quotidiennes de reconduite à la frontière ; demandeurEs d’asile laissés à la rue sans ressources ; enfants systématiquement enfermés en centre de rétention ; mineurEs isolés — légalement inexpulsables parce que sans famille — rattachéEs arbitrairement par la police à des adultes (qui leur sont inconnus) afin de pouvoir les expulser en tant que membres d’une même famille…
Impérialisme français hors de Mayotte et des Comores ! Bas les pattes devant les peuples colonisés !
Source : L’anticapitaliste