Elle était devenu la nouvelle zone à risque de l’île : à Tsoundzou, plusieurs automobilistes avaient été attaqués les 13 et 14 mars au petit matin par des jeunes armés de machettes alors qu’il faisait encore nuit. Une conductrice s’était retrouvée avec une lame sous la gorge contre l’obtention de son portable. Des très jeunes enfants voyaient leurs parents menacés, alors que les véhicules étaient coincés par embouteillages.
La police nationale avait été particulièrement réactive en interpellant trois jeunes majeurs, jugés en comparution immédiate. Une dizaine de victimes étaient présente au procès, « nous voulons voir leur visage et savoir à qui nous avons affaire », nous expliquaient-elles. Etaient notamment présentes la jeune femme menacée d’une machette, et dont la voiture en a gardé des traces de lame, ainsi que sa maman. Cette dernière nous disait « avoir des frissons », en repensant aux risques qu’elles avaient encourus ce matin là.
Étonnement dans la salle lorsque les trois jeunes de 18 à 19 ans arrivent à la barre et que leurs profils sont détaillés par la présidente d’audience Julie Vignard. Tous sont natifs de Mayotte, deux sont en Terminale, et le troisième est titulaire d’un CAP de Métallurgie, et avait déposé son dossier pour s’inscrire au RSMA.
Absence de valeurs structurantes
Avec un premier constat accablant, alors que deux d’entre eux allaient passer une épreuve du Bac quelques jours après, la présence d’un interprète est requise à la barre, ce qui pose question sur la maitrise de la langue. Ensuite, aucun n’habite dans une case en tôle, mais dans des maisons en dur, au sein de familles. Une des mamans est dans la salle, pas les autres. Un décalage entre leur quotidien et le traumatisme qu’ils infligent qui se matérialise dans un échange avec la juge : « Vous n’avez rien de mieux à faire que de dépouiller les gens à 5h du matin et alors que vous préparez le Bac ?! – « Oui mais les cours ne commencent qu’à 7h », lui répond l’un. Ils n’ont pas d’antécédent judiciaire, et semblent avoir suivi celui qui fait office de chef de bande qui « voulait un portable ». Une des témoins questionne, « si ma fille n’avait pas donné son portable, qu’est ce que vous lui auriez fait ? » Sans bien sûr obtenir de réponse.
Nous ne savons pas s’ils suivent des cours dans les shioni, mais l’absence de valeur humaine et sociale de ces jeunes majeurs doit interpeller la société dans son entier.
Un besoin de vengeance endossé par la justice
Dans ses réquisitions le procureur Yann Le Bris mettait en évidence les faits, « une femme a eu une machette sous la gorge en présence de ses enfants », qui rajoute « un peu plus de délinquance à l’insécurité ambiante », et comme un avertissement pour la suite, « les victimes menacent de plus en plus de se venger, un état d’esprit qui nous incite à la sévérité car les citoyens doivent avoir confiance dans la justice. C’est elle qui doit assumer ce transfert entre le besoin de vengeance et la délivrance de peines à la hauteur. » Cela conditionne aussi le dépôt de plainte, or, ils semblent de plus en plus fréquents.
Malgré l’absence d’antécédents de jeunes insérés notamment scolairement, le procureur demandait 3 ans de prison, dont deux ferme. Il était entendu et les trois jeunes ont pris aussitôt le chemin de la prison. Où ils pourront poursuivre leur scolarité.
Au sortir de l’audience, certaines victimes auraient aimé les voir rester plus longtemps en prison, mais un d’entre eux, qui s’était retrouvé piégé dans les bouchons et donc dans le plan de saccage des trois jeunes, disait avoir « le sentiment que la justice a été rendue. Nous avons vu que lorsqu’un des jeunes a commencé à rigoler, il a été recadré aussitôt par la juge. Et elle a suivi le procureur dans ses réquisitions. Moi j’étais là pour comprendre pourquoi des gamins de cet âge là agressaient les automobilistes à coup de machette ». Pas sûr que là-dessus il ait eu une réponse.
Il faut souligner dans cette affaire la réactivité de la police nationale, et la fermeté des peines qui suit la courbe de la délinquance. Le centre pénitentiaire de Majikavo n’arrive plus à contenir tous ses prisonniers, avoisinant un taux de remplissage de 210% là où il dépassait à peine les 100% il y a trois ans à l’arrivée du procureur Yann Le Bris. Ce qui renforce l’urgence de la construction d’un 2ème centre pénitentiaire annoncé par le ministre Dupond-Moretti, et d’une capacité qu’on espère supérieure au regard du rythme actuel d’incarcération.
Source : Lejournaldemayotte