Ça clique, ça pianote, ça piaille au casque et ça clignote. Ça imprime au laser ou en 3D, ça explore les fonds sous-marins et surveille même les pontes de nos chers reptiliens. En somme, Mayotte et ses apprentis ’’scienciers’’! Il y en a pour tous les goûts et difficile a été la mission du jury pour départager les 12 équipes en lice venues de toute l’île. À l’issue de cette victoire départementale, une récompense strato-suprême et un ticket, non pas pour la galaxie directe, mais pour concourir à la finale nationale qui aura lieu le 31 mai prochain, en ce lieu mythique qu’est le Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, en métropole.
Parce que les sciences sont partout…
Contrairement aux stéréotypes fantasmés, la Science dans son ensemble n’est pas quelque chose de réservé exclusivement à une élite, aux capacités intellectuelles extra-terriennes, cloisonnée dans un labo et utilisant des appareils hors de prix. Non ! La Science nous entoure au quotidien. C’est notre bouilloire pour le thé du matin, notre micro-ondes pour le gain de temps cuisson, l’air que l’on respire sous l’eau en plongée, le gaz à l’état liquide raccordé à la flamme de notre barbecue du dimanche préféré, la climatisation de notre voiture etc. etc.
Et c’est bien grâce aux idées aussi de petits génies en herbe, que la plupart de ces choses sont désormais à notre portée. Des idées novatrices, parfois audacieuses, quelquefois manquées mais le plus important étant d’y croire et d’essayer : « Quelque soit le résultat, il est essentiel de continuer à pousser ces jeunes à être curieux, actifs et à ne jamais cesser d’expérimenter », nous partage Fahouilia Mohamadi, déléguée à la recherche et l’innovation régionale et membre parmi les 12 jurés présents à cette 6ème édition* départementale qui avait nommé, en 2016, le collège Bouéni M’Titi de Labattoir-Dzaoudzi, tout premier lauréat mahorais, pour son projet intitulé Ra Maoré.
Là est toute la richesse de ce concours national CGénial, créé en 2006 et reconnu d’utilité publique. Son objectif ? Promouvoir l’enseignement interdisciplinaire et scientifique dans les établissements scolaires, tout en suscitant de potentielles vocations alliées à un rapprochement et une interconnexion entre les élèves et les mondes de la Recherche, de l’Entreprise ou encore de l’Associatif. À l’organisation de tout cela, Joris Condro, professeur de Technologie à Mayotte depuis 4 ans et référent CGénial sur notre territoire depuis l’année dernière : « Pour un tel événement, c’est quasiment un an complet de préparation en dehors de mes heures de cours, notamment de terrain auprès des divers mécénats mais également d’accompagnement et de suivi dans l’élaboration des respectifs projets propres aux différents établissements qui concourent. C’est un véritable succès ! ».
Un succès mérité mettant en valeur la dynamique implication du précité qui s’étonne agréablement de l’engouement de notre département en comparaison de Paris, par exemple, qui n’a présenté que 3 projets pour cette édition 2023. Pour chaque projet proposé justement, CGénial offre une enveloppe de 100 euros permettant ainsi l’achat des éléments et matériaux nécessaires à la concrétude de tout cela. Si le budget est dépassé, les respectives directions des établissements n’hésitent pas à assurer la complémentarité escomptée qui se veut bien souvent modeste sachant la majorité des équipements déjà disponibles dans les murs.
Faisons un peu le tour des tables
Du côté de Kani-Kéli, il nous est présenté une version moderne du gendarme et du voleur complètement connectée 2.0 au moyen de petits capteurs à led branchés sur des batteries rechargeables. Le but de ce projet étant de promouvoir et relancer les jeux de groupes et l’interaction humaine concrète.
Il y a aussi aussi cette application Kahoot spécialement personnalisable et disponible via tablette en lien avec le chant des oiseaux de nôtre île et d’ailleurs, à identifier. La genèse prend sa source avec les cours de SVT et les proches travaux de réhabilitation de l’établissement qui risquent de chambouler cruellement le quotidien des 18 espèces aviaires recensées par les élèves et évoluant dans les jardins encore préservés de cette infrastructure d’éducation publique. Un travail de terrain, silencieux, à la quiétude matinale sensibilisant les jeunes ados à l’observation et l’écoute des tropicaux volatils qui les entourent.
Du côté de Passamainty, on est soucieux d’assurer la sécurité personnelle et, par corrélation directe, collective d’un conducteur somnolant. Pour ce faire, des lunettes connectées qui, en fonction du degré d’inclinaison de la tête du pilote fatigué qui les porte, peut ordonner directement au tableau de bord de stopper net le moteur de la voiture.
Pour Tsingoni et leur professeur de Physique-Chimie, l’idée de créer un drone submersible est née à la suite d’un documentaire visionné par les élèves, relatant la vie de scientifiques immergés dans une capsule pendant plusieurs jours, dans l’immensité sous-marine. Afin de tester et protéger le prototype et sa caméra, le plongeur photographe Gaby Barathieu a prêté son concours logistique offrant un petit caisson aux apprentis explorateurs des profondeurs.
Concernant Kawéni 2, c’est le réchauffement climatique, au regard de l’aspect énergivore électrique et surchauffant des datacenters, qui fut un enjeu premier dans la conception de leur chauffe-eau numérique. En effet, Mayotte également équipée de ce type de centre de données depuis 2021, par l’entreprise ITH SAS, l’idée est d’établir un réseau hydrique afin d’alimenter en eau froide les serveurs du datacenter en fonction, pour réguler leur température et justement récupérer à la sortie cette eau ’’bouillonnante’’ afin d’alimenter en eau chaude, les établissements publiques aux abords, tels que le CHM par exemple.
Un logiciel de contrôle à distance a même été conçu dans le cadre de ce projet. (Pour le moment, cette régulation thermique se fait au moyen d’air chaud rejeté dans l’air ambiant).
Pour les 6ème du collège de Dembéni et leur professeur de Technologie, la priorité majeure s’est orientée sur la surveillance et la protection de la ponte des tortues de mer sur nos plages mahoraises, principalement contre le braconnage. Ils ont donc imaginé un système de multicam camouflé et protégé via la végétation locale de type bambou, alimenté en parfaite autonomie par énergie solaire et au moyen d’une batterie relais, notamment la nuit.
Ayant utilité à être placées à divers endroits, ces caméras sont contrôlées et visionnables en temps réel via smartphone et/ou tablette pouvant, par la même occasion, offrir à distance détection de mouvements et alarme d’avertissement aux patrouilleurs justement. Pour mener à bien le concret de ce projet, les élèves ont travaillé directement sur le terrain avec l’association Oulanga na nyamba ainsi que BAM (Bambou de Mayotte) qui leur a offert les supports nécessaires.
Les chouchous de la matinée
Parmi ces 75 novices passionnés, accompagnés de leurs professeurs, il fut un atelier qui a attiré les foules. Celui de l’impression graphique au laser. Tenu par le calibrage et la manipulation numérique experte des quelques élèves présents de l’Unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS), au collège Ylang-ylang de Kani-Kéli, les différents curieux et membres du jury ont pu repartir avec une médaille en bois gravée de diverses illustrations au choix.
Au delà de l’aspect purement ludique, c’est d’une réelle, concrète et bienveillante intégration dont il a été question, permettant ainsi à ces jeunes d’interagir de manière directe auprès des nombreuses personnes très curieuses de leur travail. « Ils ont parfaitement été accueillis à cet événement. Cela est important et les stimule énormément », se réjouit avec émotion Marie-Claude Benoit, coordinatrice de l’établissement qui cible justement au quotidien les différents types de handicap ainsi que les besoins des élèves.
Ouangani grand vainqueur
Cette année, c’est donc le club des sciences du collège de Ouangani qui va partir d’ici 2 mois, pour tenter de remporter la tant attendue finale CGénial 2023. Lauréat de ce concours académique mahorais, le projet Espoir pour deux mains des 15 élèves se voulait avant tout altruiste et sensibilisant au regard des membres supérieurs parfois amputés que subissent certains jeunes dans le Monde après un accident ou, encore plus d’actualité, en raison de guerres et leurs tristes dommages collatéraux.
Cette noble ambition de création de prothèses intelligentes revêt un caractère multilatéral complexe à la fois technique, minutieux, pratique, physiologique mais aussi artistique au moyen d’un souhait de customisation traditionnelle imitant par exemple, pour les filles, les motifs du henné, utilisés lors de nos traditionnelles célébrations locales. Une fois les différents os dessinés, établis, proportionnellement calibrés et imprimés en 3D par plastique naturel (PLA), il faut assembler le tout tel un délicat puzzle; vérifier l’imperméabilité, l’élasticité pratique et la densité de la prothèse. En somme un projet innovant certes, ambitieux c’est certain, mais avant tout humaniste qui ira représenter dignement les couleurs de nôtre île le mercredi 31 mai prochain.
Alors, soyons légitimement fiers et un peu chauvins : Allez Ouangani ! Allez Mayotte !
Source : Lajournaldemayotte