Dans un précédent article, nous expliquions pourquoi l’épisode pluvieux qui touche la France n’est pas incompatible avec la sécheresse : en période printanière, l’eau de pluie est prioritairement captée par la végétation en pleine croissance, ralentissant le rechargement des nappes phréatiques. Un constat parfois raillé par quelques commentateurs sur les réseaux sociaux, insistant sur le mois de mai «pourri» et mettant en avant les reportages de plusieurs médias assurant que dans plusieurs départements, comme la Vendée, l’essentiel des nappes phréatiques ont fini par être rechargées, voire «débordent».
Si les intempéries qui ont douché une partie du pays ces dernières semaines ont permis de combler tout ou partie du retard dans certains territoires, la situation est loin d’être résolue ailleurs.
Dans quelles parties du pays la situation demeure-t-elle toujours préoccupante ? Ce 17 mai, le Bureau de Recherches Géologiques et Minière publie un état de situation au 1er mai, détaillant l’évolution sur l’ensemble du mois d’avril. Des données qui ne prennent donc pas en compte l’effet des deux dernières semaines d’intempéries.
Nous présentons ici une évolution de la situation sur un mois, à date du 13 mai. Libération s’est référé aux données synthétisées par le site Info Sécheresse (niveaux actuels des nappes selon les stations d’observation réparties sur le territoire) et communiquées à la presse à un mois d’intervalles.
31 départements présentent encore des niveaux moyens «bas» voire «très bas»
En date du 13 mai, 20 départements présentaient encore – en moyenne – des niveaux «très bas». Il s’agit (du nord-ouest au sud-est) du Loir-et-Cher (41), du Cher (18), du Jura (39), du Puy-de-Dôme (63), de la Loire (42), de la Haute-Loire (43), de l’Isère (38), de la Lozère (48), des Hautes-Alpes (05), du Lot-et-Garonne (47), du Gard (30), du Vaucluse (84), des Alpes-de-Haute-Provence (04), des Alpes-Maritimes (06), du Gers (32), de la Haute Garonne (31), de l’Hérault (34), du Var (83), de l’Aude (11) et des Pyrénées-Orientales (66).
Onze départements présentent encore un «niveau bas» : le Nord (59), les Yvelines (78), l’Orne (61), la Sarthe (72), l’Indre-et-Loire (37), le Haut-Rhin (68), l’Allier (03), la Haute-Vienne (87), la Drôme (26), le Tarn (81) et les Hautes-Pyrénées (65).
Vingt-six départements sont à un niveau «modérément bas», 14 sont proches de la moyenne, et 8 à un niveau «modérément haut». Ces derniers sont les Ardennes (08), la Meurthe-et-Moselle (54), le Finistère (29), les Côtes-d’Armor (22), la Mayenne (53), les Deux-Sèvres (79) et la Vendée (85). Si l’on se focalise sur ce dernier département, sur 27 stations d’observations renseignant sur l’état de 10 nappes distinctes, seules deux renvoient des informations inférieures à la moyenne.
Les nappes ne sont considérées comme «hautes» que pour quatre départements : le Pas-de-Calais (62), la Manche (50), l’Ille-et-Vilaine (35) et le Morbihan (56).
Situation dégradée dans certains départements
Si l’on compare l’évolution de l’état des nappes phréatiques sur un mois, on s’aperçoit que la situation n’a que modérément évolué. Par exemple, mi-avril, les pluies de mars avaient déjà rechargé les nappes bretonnes.
Si la situation s’est notablement améliorée dans plusieurs départements (comme dans l’Aisne, avec un passage de «très bas» à «modérément bas»), le tableau s’est assombri dans d’autres. En se focalisant sur les départements qui sont passés sous la moyenne ou qui, déjà sous la moyenne, ont vu la situation évoluer défavorablement, on dénombre 11 cas : un passe de «proche de la moyenne» à «modérément bas» (le Doubs), deux de «proche de la moyenne» à «bas» (la Haute-Vienne, le Tarn-et-Garonne), quatre de «modérément bas» à «bas» (les Yvelines, l’Indre-et-Loire, l’Allier, le Haut-Rhin) ; deux de «modérément bas» à «très bas» (le Gard, les Hautes-Alpes) et deux de «bas» à «très bas» (le Lot-et-Garonne, l’Hérault). Il est à noter que cette dégradation de la situation ne traduit pas nécessairement une baisse du niveau absolu des nappes, mais une évolution défavorable du remplissage de ces nappes en un mois (l’indicateur utilisé donnant l’état de la nappe par rapport à une moyenne établie sur au moins quinze ans – voir point méthodologique ci-dessous).
Méthodologie
Pour déterminer l’état d’une nappe phréatique, on utilise couramment un indicateur standardisé qui compare son niveau, à une date donnée, avec des valeurs de référence à la même date, établies à partir de données collectées sur au moins quinze ans. Puisqu’ils sont établis par rapport à une moyenne de référence, les différents niveaux donnés sont associés à la rareté de l’évènement. Ainsi, une nappe dont le niveau est qualifié de «très bas» (ou très haut) correspond à un taux de remplissage qui ne s’observe, au plus, qu’une fois tous les dix ans. Les niveaux «bas» et «haut» correspondent à un taux observé tous les cinq à dix ans. Les niveaux «modérés» renvoient quant à eux à des événements observés tous les 2,5 à 5 ans.
A noter que la problématique peut être posée soit à l’échelle des départements (ce qui fait sens du point de vue de la gestion politico-administrative des crises hydriques), soit à l’échelle des bassins versants (c’est-à-dire des zones géographiques dans lesquelles les eaux convergent vers un même cours d’eau (ou une même nappe d’eau souterraine). Les limites de ces bassins étant peu connues du grand public, les informations compilées seront ici présentées au niveau départemental.
Un département délimite plusieurs nappes phréatiques, avec des informations remontées par plusieurs stations d’observations. Plusieurs stations d’observations pouvant correspondre à une même nappe. Par ailleurs, dans un même département peuvent cohabiter des nappes de niveaux très variés, mais aussi des stations d’observations pour lesquelles les données sont indisponibles. Les infographies présentent, pour chaque département, l’état le plus représentatif des stations pour lesquelles les données sont disponibles. A noter que, pour plusieurs départements d’Ile-de-France, ainsi qu’en Eure-et-Loir, en Haute-Savoie, en Savoie, en Ardèche, dans le Lot, l’Aveyron, les Pyrénées-Atlantiques et l’Ariège, le nombre de stations pour lesquelles les données sont manquantes est trop important pour extrapoler quelle valeur est la plus représentative.
Sur la question des nappes phréatiques, notons enfin d’importantes disparités hydrologiques au sein d’un même département. A titre d’exemple, dans le Puy-de-Dôme, la station d’observation Tour d’Auvergne, dans le sud-ouest du département, présente un niveau de remplissage «haut», tandis que six autres stations affichent un niveau «très bas», et six autres un niveau «bas». Enfin, pour une même nappe, des stations d’observations distinctes peuvent renvoyer des informations moyennes discordantes.
Source : Liberation