Les migrants de l’île de Mayotte, dans l’océan Indien, se cachent des autorités dans le cadre d’une opération en cours visant à raser les bidonvilles urbains et à expulser les étrangers sans papiers. Reportage du correspondant d’InfoMigrants Romain Philips depuis le territoire français.
Perché sur une rambarde du parc de Tsoundzou, dans l’est de Mayotte, Issouf pousse un soupir en entendant le mot “Wuambushu”. Le nom de l’opération est dans l’esprit de nombreux habitants de l’île française depuis des jours.
« Evidemment, l’opération m’inquiète, mais va-t-elle vraiment changer notre quotidien ? Quand on est Comorien à Mayotte, on vit toujours dans la peur d’être expulsé », explique-t-il. “J’ai déjà été expulsé quatre fois, avec ou sans Wuambushu.”
Each time he was expelled, the 42-year-old got back into a kwassa-kwassa (a Comorian fishing boat used by migrants to reach Mayotte) and made the 70-kilometer crossing all over again.
Issouf has been afraid of being deported for a fifth time ever since the launch of Operation “Wuambushu” (“Take Back” in the local language) against delinquency and illegal immigration in Mayotte. The authorities want to carry out the “razing” of run-down neighborhoods and the expulsion of foreigners in irregular situations, who mostly come from neighboring Comoros.
“All my children were born here, I’m not going to let them down,” says Issouf, his posture hunched. He already had “several residence permits” which were valid for one or two years. However, on the island, “the waiting times are so long, you can lose your residence permit before it is renewed,” he adds in halting French.
Pour Issouf, “c’est un jeu”. Il est “conscient” que l’immigration à Mayotte peut déraper. “Mais ceux qui veulent s’intégrer doivent être les bienvenus… Par exemple, j’ai de la famille en métropole et j’aimerais les revoir un jour”, a-t-il ajouté. Même avec un titre de séjour, les étrangers ne peuvent pas entrer en France. Pour quitter le département, il faut un visa.
“Je ne sors plus que rarement”
Comme Issouf, de nombreux étrangers expulsés de l’île sont revenus depuis. Mayotte expulse également plus de migrants en situation irrégulière que tous les autres territoires ou « départements » français d’outre-mer réunis.
Les étrangers qui n’ont pas encore été expulsés vivent dans la peur d’être confrontés aux forces de l’ordre. Depuis le début de l’opération, ordonnée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le niveau de peur n’a jamais été aussi élevé. Dans les jours précédant l’opération, 500 policiers sont arrivés de la métropole en renfort.
“La police est partout autour de chez moi. Je sors rarement. Ils patrouillent le matin et le soir. Je ne sors que quand il le faut, plus souvent vers midi quand tout est calme”, raconte Hardi*, un sans-papiers. homme venu des Comores il y a deux ans.
“Je ne veux pas être bourré”
Depuis le début de Wuambushu, l’objectif est de « saturer l’espace », comme l’explique un porte-parole du ministère de l’Intérieur. Cela explique pourquoi la police militaire est ici à l’entrée de la ville et dans les bidonvilles.
Dans le bidonville de Kawéni se trouvent des dizaines de logements en tôle. Les « bangas », comme on les appelle en mayorais, sont de petites maisons qui apparaissent le long des rues de terre ocre jalonnées de pneus. Des milliers de personnes vivent dans des conditions difficiles, parmi les bananiers et le linge qui sèche, dans le lieu dit “le plus grand bidonville de France”. La chaleur est étouffante, l’eau se fait rare et l’électricité n’est parfois tout simplement pas disponible.
Ali, un homme costaud d’une trentaine d’années, a passé la journée au bord de la route principale. Il essaie de vendre une partie de ses affaires pour s’enfuir : « Je ne veux pas être bourré », une expression qui signifie se faire prendre par la police des frontières, la PAF.
Le jeune homme sourit mais regarde régulièrement par-dessus son épaule. “Je suis dans un groupe Facebook. Dès que quelqu’un voit le PAF, il le signale et on s’enfuit”, lance-t-il en riant. Il joue au chat et à la souris avec la police depuis son plus jeune âge.
“Je ne peux pas perdre mes parents”
A côté de lui, Saïd ne rigole pas de la situation. Le jeune adolescent aux joues gonflées et rouges est au lycée. Les vacances viennent de commencer mais profiter de son temps libre est hors de question. Il est trop inquiet pour ses parents.
« Que dois-je faire si la police détruit le bidonville et expulse mes parents ? », demande-t-il. “Je ne sais pas comment fonctionne la vie, je ne peux pas perdre mes parents. J’ai quatre frères et trois sœurs et nous finirions seuls.”
A Mayotte, de nombreuses familles craignent de se retrouver sur une rive distincte de celle où partent les bateaux de migrants expulsés après chaque vague d’expulsions. Alors qu’il est légalement impossible d’expulser des enfants nés en France, leurs parents des Comores peuvent être expulsés.
La police expulse parfois les parents et les sépare ainsi de leurs enfants. Ce dernier rejoint les rangs des milliers de mineurs non accompagnés de l’île, entre 3.000 et 4.000, selon le ministère de l’Intérieur. Les enfants, livrés à eux-mêmes, se tournent souvent vers le crime.
Après que les employés municipaux aient marqué les habitations à démolir, beaucoup ont préféré détruire eux-mêmes leur maison. “On rassemble nos affaires et on va se cacher dans la forêt”, raconte Adil, un jeune homme avec une cicatrice ronde sur la joue. Il essaie de mettre le plus de choses possible dans un sac de supermarché. Derrière lui, il ne laisse aucune trace.
Source : Info Migrants