La France lance l’opération militaire Wuambushu à Mayotte pour démanteler les bidonvilles, expulser les migrants irréguliers et lutter contre la délinquance dans un débat polarisé avec des réactions allant des inquiétudes des ONG aux appels au meurtre d’un responsable. L’opération met en lumière des pratiques systématiques, notamment l’expulsion de personnes et de parents retirés à leurs enfants.
La France a lancé l’opération militaire Wuambushu (« reprendre » en mauricien) le 23 avril. L’opération viserait à démanteler les bidonvilles – qui représentent 40 pour cent des logements à Mayotte, à expulser les migrants irréguliers et à lutter contre la délinquance. Les autorités françaises prévoient de détruire 1 000 cabanes sur deux mois. Ceux qui pourront justifier de leur nationalité française ou de leur titre de séjour seront relogés dans des logements temporaires – même s’il reste difficile de savoir si ces logementsest disponible en quantité suffisante – et ceux qui ne disposent pas de ces preuves doivent être expulsés vers les Comores. Avec cette opération, les autorités « espèrent » arrêter chaque jour entre 250 et 280 migrants irréguliers, alors que la moyenne était d’environ 80 avant le début de l’opération. Sans surprise, le début de l’opération ne s’est pas déroulé sans heurts, « malgré » les 1 800 membres des forces de sécurité françaises déployés spécifiquement pour l’opération, dont des centaines envoyés depuis la métropole. Le Monde écrit que dimanche 23 avril, « l’unité CRS 8, récemment présentée comme le fer de lance de la nouvelle génération de policiers anti-émeutes, a utilisé pas moins de 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades à boulets et 60 tirs de balles en caoutchouc ». Médiapartrapporte qu’un enfant a été touché à la jambe par la police et détenu pendant 48 heures, où les policiers ont menacé d’expulser ses parents. Les habitants décrivent une atmosphère de psychose : « Les gens ont peur. Les gens restent un peu cachés chez eux. Les gens évitent de sortir (traduit) ».
Les autorités comoriennes ont dans un premier temps refusé d’accepter les personnes expulsées des côtes de Mayotte. « Tant que les autorités françaises décideront de faire les choses unilatéralement, nous prendrons nos responsabilités. Aucun expulsé ne retournera dans un port sous souveraineté comorienne » , a déclaré le ministre comorien de l’intérieur, Fakridine Mahamoud. L’Union des Comores a initialement empêché l’accostage des bateaux transportant des personnes expulsées à la suite de l’opération militaire, affirmant que le pays ne pouvait pas faire face à un afflux aussi important. Le 27 avril, les autorités comoriennes ont annoncé que les navires pouvaient désormais accoster dans leurs ports, mais que seules les personnes munies de papiers d’identité comoriens seraient autorisées à monter à bord du navire. Le 1er mai, France Infoa indiqué que les Comores prenaient des mesures supplémentaires pour empêcher les retours forcés qui pourraient être déguisés en volontaires.
Les réponses à Wuambushu ont été très variées, entre certaines organisations exprimant des inquiétudes claires et un responsable français appelant au meurtre. L’UNICEF craint que l’opération ne viole les droits de nombreux enfants, car nombre d’entre eux pourraient se retrouver livrés à eux-mêmes après l’expulsion de leurs parents. Le ministère de l’Intérieur estime déjà qu’entre 3 000 et 4 000 personnes ont été privées de leurs accompagnants avant le début de l’opération. Le Défenseur des droits fondamentaux français s’est inquiété des atteintes aux droits fondamentaux de l’opération et a appelé au « respect inconditionnel » des droits fondamentaux. De nombreuses ONG et défenseurs des droits ont également qualifié Wuambushu de brutal et de discriminatoire. Pendant ce temps, lors d’un entretien, Salime Mdéré, vice-président du département de Mayotte et donc responsable français, a déclaré qu’« à un moment donné, il faut en tuer », en référence aux « voyous » et aux « terroristes » qu’il tient pour responsables de la délinquance mahoraise. La Ligue des Droits de l’Homme a engagé une action en justice contre M. Mdéré.
Source : ecre.org