Un tribunal français a suspendu mardi l’évacuation controversée d’un bidonville visant à expulser les migrants de Mayotte, un territoire insulaire de l’océan Indien – un plan qui a déclenché des affrontements entre les habitants et les forces de sécurité et déclenché des tensions avec les Comores voisines.
L’opération, baptisée Opération Wuambushu (« Reprendre » en langue locale), vise à expulser les migrants des bidonvilles urbains de Mayotte afin d’améliorer les conditions de vie des habitants du département le plus pauvre de France .
Quelque 1 800 membres des forces de sécurité françaises ont été déployés pour cette opération, dont des centaines envoyés depuis Paris , avec des affrontements entre jeunes habitants et policiers dans le quartier de Tsoundzou, à l’extérieur de la principale ville de Mamoudzou, depuis dimanche.
Des journalistes de l’AFP ont fait état mardi d’affrontements à l’extérieur des bidonvilles de la principale ville de Mayotte. Des barricades de pneus et de poubelles bordaient la route et les manifestants ont jeté des pierres sur la police, qui a tiré des gaz lacrymogènes.
Un tribunal de Mamoudzou a arrêté mardi à la dernière minute le nettoyage d’un bidonville situé à Koungou, près de la capitale, estimant que cette action n’avait aucun fondement légal et menaçait les libertés publiques. L’administration locale a annoncé qu’elle ferait appel. Les habitants ont salué la décision du tribunal mettant fin à l’évacuation, qui devait avoir lieu mardi matin.
‘Je suis ravi’
“Je suis ravie, nous sommes allés au tribunal et nous avons gagné”, exulte Mdohoma Hadja, 33 ans, en levant les bras au ciel. Les Comores, dont les trois îles se trouvent au nord-ouest de Mayotte, ont déclaré lundi qu’elles avaient refusé d’autoriser un bateau transportant des migrants en provenance de l’île. La plupart des migrants illégaux expulsés sont des Comoriens. Il a également indiqué avoir suspendu le trafic de passagers dans un port où atterrissent habituellement les migrants expulsés.
Il est prévu que les sans-papiers soient renvoyés vers l’île comorienne d’Anjouan, à 70 kilomètres de Mayotte. “Nous n’arrêterons pas les opérations (…) de lutte contre la délinquance et l’insalubrité, avec leurs conséquences sur l’immigration clandestine”, a déclaré à la presse le plus haut responsable nommé par Paris à Mayotte, Thierry Suquet.
Il a déclaré qu’il espérait “reprendre rapidement” les déportations par bateau vers Anjouan et qu’il espérait que l’impasse reprendrait par le “dialogue”. Les négociations intenses entre les Comores et la France ces dernières semaines ont évoqué la possibilité d’un accord de dernière minute.
Mais le chef des Comores, Azali Assoumani, qui assure la présidence tournante de l’ Union africaine depuis février, a déclaré qu’il espérait que l’opération serait abandonnée, reconnaissant que Moroni n’avait pas “les moyens d’arrêter l’opération par la force”.
En 2019, la France a promis 150 millions d’euros (161 millions de dollars) d’aide au développement dans le cadre d’un accord visant à lutter contre la traite des êtres humains et à faciliter le rapatriement des Comoriens de Mayotte. On estime qu’environ la moitié des quelque 350 000 habitants de Mayotte sont étrangers, pour la plupart Comoriens.
De nombreux migrants africains, notamment comoriens, tentent chaque année de rejoindre Mayotte illégalement. Ces traversées risquées risquent de se terminer en tragédie lorsque les “kwassa kwassa”, ces petits bateaux de pêche motorisés utilisés par les passeurs , font naufrage.
Mayotte est la quatrième île de l’archipel des Comores que la France a conservée après un premier référendum en 1974, mais elle est toujours revendiquée par Moroni.
Source : France24