Le département français d’Outre-Mer de Mayotte, situé dans l’océan Indien, connaît depuis de nombreuses années d’importants épisodes de sècheresses. Les habitants ont dû apprendre à s’adapter à des pénuries d’eau longues et régulières, particulièrement pendant la saison sèche, appelée « hiver austral », qui survient en temps normal d’avril à octobre.
Mais depuis quelques années, cette période sèche s’étend, et la saison des pluies se fait plus avare en précipitations. Les deux retenues collinaires de Mayotte, qui permettent de récolter l’eau de pluie en saison humide et d’approvisionner une grande partie de l’île, s’épuisent à un rythme dramatique. En temps normal, « un tiers de la population de l’île n’est pas approvisionnée en eau potable », indique Olivier Brahic, directeur de l’Agence Régionale de Santé de Mayotte (ARS).
Cette année, la crise de l’eau touche les Mahorais dans des proportions qui n’avaient pas été observées depuis 1997. Malgré des restrictions en eau régulières imposées à la population depuis le début de l’année civile 2023, les réserves en eau se sont retrouvées au plus bas. Lundi 4 septembre, la préfecture de Mayotte a déployé un planning de coupure des eaux très restrictif, qui soulève de nombreux questionnements en matière de gestion de ce département français, qui ne bénéficie pas de l’efficacité des infrastructures essentielles au bien-être des populations locales.
EN ATTENDANT LA SAISON DES PLUIES
Le département mahorais se trouve sous climat tropical, caractéristique de cette région équatoriale de l’océan Indien. À la saison des pluies, les précipitations atteignent en moyenne 200 à 300 mm selon les régions. Pendant la saison sèche, elles atteignent à peine les 20 à 30 mm, selon Météo France. Les 300 000 habitants de Mayotte dépendent essentiellement des eaux pluviales : 80 % de l’approvisionnement en eau provient en effet des deux retenues collinaires au Nord et au centre de l’île.
« Cette année, tout a été décalé » explique Esteban, urbaniste à Mayotte. « C’est-à-dire que normalement, les alizés, les premiers vents que l’on a février-mars, ne sont apparus cette année qu’au mois d’avril-mai. Même chose pour la saison des pluies et le début de la saison sèche ». L’apparent dérèglement de la saison humide engendre des pénuries d’eau depuis près de sept ans. « Les personnes qui ont vécu l’épisode de 2016 rapportent que c’est incomparable à ce qu’il se passe aujourd’hui », ajoute l’urbaniste.
Il est aujourd’hui difficile d’affirmer si ce phénomène trouve sa cause dans le changement climatique ou bien dans des évènements météorologiques spécifiques et isolés. Cependant, l’intensification des sècheresses ces dernières années serait en lien avec la dégradation générale du climat mondial. Certains élus locaux, comme la députée Estelle Youssouffa, considèrent d’ailleurs se trouver dans « l’une des zones les plus frappées par le réchauffement climatique. [En considérant que] la route des cyclones et des précipitations a beaucoup changé ces dernières années », comme le rapportent nos confrères du Figaro. Une problématique qui, précise-t-elle, ne justifie en rien le disfonctionnement des réseaux d’eau locaux.
La déforestation très active est également un facteur aggravant de la crise de l’eau à Mayotte. Le taux de déforestation annuel atteint les 1,2 %. C’est le département le plus déforesté de France. Et cette tendance altère l’efficacité de captation des eaux au niveau du sol. La déforestation est une réponse aux besoins des plus précaires (logements et parcelles de cultures clandestines), mais surtout à ceux des institutions privées. Le code forestier de Mayotte pose problème en ce sens qu’il autorise des « exceptions de défrichement » pour les forêts de moins de 4 hectares.
Face à une population qui croît très rapidement, phénomène en partie lié à l’immigration venant des Comores et de Madagascar, l’urgence de l’eau est de plus en plus difficile à vivre. Entre 2012 et 2017, la population a augmenté de 3,8 % par an en moyenne selon l’INSEE, ce qui en fait le département avec la plus forte croissance de population de France. Une population qui a par ailleurs un niveau de vie médian sept fois plus faible que le niveau national.
Les difficultés d’accès à l’eau d’une grande partie de la population, notamment issue de l’immigration, engendre la création de réseaux de raccordement illégaux. « Cela explique d’ailleurs en partie pourquoi les principales coupures ont eu lieu la nuit jusqu’à présent », souligne Esteban. Le sentiment général est qu’il n’y aura en définitive pas d’amélioration avant l’arrivée de la saison des pluies.
DEUX JOURS SUR TROIS SANS EAU
Selon la préfecture de Mayotte, les nouvelles restrictions de l’accès à l’eau dans le département doivent permettre de tenir jusqu’à la saison des pluies tant attendue. « La saison des pluies qui doit [normalement] alimenter les retenues collinaires a engendré un déficit de la ressource », explique Olivier Brahic. Depuis ce lundi 4 septembre, les habitants qui étaient jusqu’à présent habitués à des coupures régulières, se retrouvent coupés d’eau tous les soirs et deux jours sur trois. Car, en temps normal, les infrastructures ne proposent pas une production suffisante pour tous les habitants. On estime que 38 000 m³ d’eau sont produits au maximum, pour les besoins d’une population qui s’élève à environ 40 000 m³ par jour.
« Nous demandons aux Mahorais de faire des efforts supplémentaires », a annoncé, jeudi 24 août, le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, alors même que dix-sept communes se voyaient annoncer, à l’exception de la capitale économique Mamoudzou, ainsi que certaines zones industrielles et points de la Petite Terre, des coupures d’eau de deux jours sur trois, ainsi qu’un gel des prix de vente des bouteilles d’eau, cinq fois plus cher qu’en métropole selon le décret du 18 juillet.
L’ARS diffuse des plannings de coupures, relayés par des médias locaux comme Le journal de Mayotte, où l’on peut lire les préconisations en vigueur depuis le 4 septembre : « Dans l’ensemble du département, l’eau sera coupée durant 48 h toutes les 24 h (2 jours sur 3). L’eau sera coupée à 16 h puis remise à la même heure 48 h plus tard. Dans les secteurs de fortes activités situées dans les communes de Mamoudzou et de Koungou ainsi qu’en Petite Terre, l’eau sera coupée 5 fois par semaine de 16 h à 8 h avec une coupure supplémentaire de 36 h une fois par semaine. Le programme des nouveaux tours d’eau sera communiqué dans les prochains jours ».
Source : nationalgeographic.fr